Entre les roses
Alice lève la tête et voit au-dessus d’elle un ciel noir. Il n’y a ni lune, ni étoile. Il n’y a pas d’éclair et pas de tonnerre, mais elle a le sentiment que le ciel gronde et grogne.
Elle commence à avoir peur.
La pièce où elle se tient paraît soudainement très grande, voire gigantesque. Alice se sent alors minuscule.
Le marbre à ses pieds luit de manière à lui refléter son image de jeune fille pâle. L’image est très floue et presque transparente. Alice a l’impression étrange d’être en face de son fantôme.
Elle chasse cette image de sa tête et regarde autour d’elle.
C’est le vide total.
La pièce est très grande, ça pourrait être un salon dans un château. Mais il n’y a pas de canapé pour s’asseoir, pas de cheminée pour se réchauffer, pas de table pour manger.
Elle se met à marcher à travers les pots de fleurs.
Il y en a un peu partout. Ce sont de grands vases, très rouges, remplis de roses tout aussi rouges. Les pots sont tellement grands qu’Alice se sent à nouveau toute petite. Elle tourne autour de chacun d’entre eux, d’un pas craintif, cherchant à voir d’où ils viennent et ce qu’il y a derrière.
Dans chaque pot, il y a des roses qui ont l’air de chercher à atteindre le plafond.
Mais Alice ne trouve rien entre ces roses.
Elle est toujours dans ce grand salon vide, au milieu d’un labyrinthe de vases de roses rouges géants.
Elle ne sait pas où elle doit aller. Elle se sent complètement perdue.
Elle se sent toute petite, presque microscopique, et elle sent toute seule, très seule.
Et elle se sent vide.
Elle a besoin de manger. Elle n’a pas faim mais elle sent que son estomac lui réclame à manger.
Mais où trouver de quoi se nourrir dans ce néant ?
Il n’y a que des roses autour d’elle.
Elle aimerait être dans un jardin d’Eden où elle pourrait simplement tendre le bras et cueillir une pomme.
Au lieu de cela, elle se voit cueillir une rose.
Au milieu de toutes les autres, dans ces gros pots au rouge écarlate, les roses font peur à Alice. Elle les trouve même laides.
Mais seule, dans sa main, sans eau pour la faire grandir, Alice trouve cette rose douce et fragile. Et d’un seul coup, elle ne veut plus en manger.
Elle s’apprête à la remettre avec ses sœurs, mais se résigne.
Elle a envie d’essayer.
La rose est la plus belle de toute. Elle n’est plus aussi rouge qu’elle en avait l’air. Elle n’est plus comme les autres. Elle est unique. Ses pétales sont rouges, roses et blanches. Sa tige est bien verte. Alice peut même voir quelques gouttes de rosée glisser doucement sur un pétale.
Elle arrache le pétale qu’elle trouve le plus beau. Et elle entend comme un cri de cristal.
Le son est à la fois magnifique et dérangeant. Mais il ne dure qu’une seconde.
Le pétale est lisse au toucher et Alice laisse ses doigts se perdre au milieu des caresses.
Elle met ensuite délicatement le pétale dans sa bouche et le laisse fondre sous sa langue.
Au début, ça a le goût de sucre. Légèrement.
Et puis Alice ne sent plus rien.
Elle en prend alors un autre et le même effet se produit. Un cri de cristal et un léger goût de sucre.
Alice continue encore et encore.
Elle cueille des roses dans chacun des pots.
Elle les choisit au début.
Et puis elle les prend toutes, arrache les pétales ensemble et les met dans sa bouche sans ne plus se soucier de ce cri de cristal qui se produit à chaque fois qu’elle arrache les pétales.
Elle a faim.
Elle mange sans cesse mais elle a encore faim.
Les roses sont trop légères.
Elles ne peuvent satisfaire le manque d’Alice.
Elle finit par s’en rendre compte. Et d’un coup, elle a peur de ce qu’elle est en train de devenir. Elle vient de manger des roses à n’en plus finir, et maintenant, elle se sent coupable et sale.
Le sol du salon est souillé de tiges vertes auxquelles manquent les pétales rouges.
Les pots sont toujours là, aussi rouges et laids, aussi imposants et aussi effrayants. Effrayant car il y a un cimetière de roses par terre mais pas un seul pot n’a l’air d’en manquer.
Alice voit au loin un par terre d’herbe.
Elle y court et tombe dessus, prête à faire couler toutes les larmes de son corps.
Mais les yeux très bleus d’Alice restent secs.
Elle se tient assise, le regard dans le vide, les bras autour des genoux, en attendant.
Mais qu’attend elle ?
Elle ne sait pas.
Elle ne sait pas où elle va. Elle ne sait même pas ce qu’elle veut.
Elle voit bien un peu de lumière sous une porte ou deux, là-bas, de l’autre côté du salon si grand. Mais elle ne sait pas si elle doit les pousser pour voir ce qu’il se trouve derrière. Elle est perdue entre les roses.
Elle ne veut plus réfléchir.
Elle se sent fatiguée et elle a peur.
Elle est dans une grande pièce inconnue qui lui semble si familière, le ciel noir au-dessus de sa tête continue de gronder sans faire aucun bruit, les vases géants lui donne l’impression d’être dans un cauchemar étrange.
Elle veut sortir de là.
Elle ferme alors les yeux et se laisse envahir par une voix d’ange qui lui chante :
« Pour ne pas vivre seul, on fait des cathédrales, où tous ceux qui sont seuls, s’accrochent à une étoile, pour ne pas vivre seule, je t’aime et je t’attends, pour avoir l’illusion »
Alice se laisse bercer par cette douce mélodie pendant une seconde d’éternité.
Elle s’est allongée dans l’herbe et rêve qu’elle est dans un grand jardin, au milieu de fleurs blanches et de rires d’enfants.
Elle ouvre alors les yeux et voit au-dessus d’elle doucement l’aube apparaître.
Elle esquisse un léger sourire et hésite un temps à se redresser et partir.
Peut-être que dans son cauchemar elle rêvait ? Et de ce rêve-là, elle ne voudrait pas se réveiller.
Mais elle peut voir le soleil éclairer timidement le ciel rose orangé et comprend alors que c’est réel.
Elle se lève et se rend compte que dans ce grand salon au marbre blanc, il n’y a plus aucun vase géant.
Il n’y a plus de tiges vertes par terre.
Il n’y a plus de portes.
Il n’y a plus de roses rouges au goût de sucre.
Il y a simplement un jardin.
Et elle aperçoit un homme, appuyé contre le tronc d’un arbre, un bouquet de roses blanches à la main.
Elle commence à avoir peur.
La pièce où elle se tient paraît soudainement très grande, voire gigantesque. Alice se sent alors minuscule.
Le marbre à ses pieds luit de manière à lui refléter son image de jeune fille pâle. L’image est très floue et presque transparente. Alice a l’impression étrange d’être en face de son fantôme.
Elle chasse cette image de sa tête et regarde autour d’elle.
C’est le vide total.
La pièce est très grande, ça pourrait être un salon dans un château. Mais il n’y a pas de canapé pour s’asseoir, pas de cheminée pour se réchauffer, pas de table pour manger.
Elle se met à marcher à travers les pots de fleurs.
Il y en a un peu partout. Ce sont de grands vases, très rouges, remplis de roses tout aussi rouges. Les pots sont tellement grands qu’Alice se sent à nouveau toute petite. Elle tourne autour de chacun d’entre eux, d’un pas craintif, cherchant à voir d’où ils viennent et ce qu’il y a derrière.
Dans chaque pot, il y a des roses qui ont l’air de chercher à atteindre le plafond.
Mais Alice ne trouve rien entre ces roses.
Elle est toujours dans ce grand salon vide, au milieu d’un labyrinthe de vases de roses rouges géants.
Elle ne sait pas où elle doit aller. Elle se sent complètement perdue.
Elle se sent toute petite, presque microscopique, et elle sent toute seule, très seule.
Et elle se sent vide.
Elle a besoin de manger. Elle n’a pas faim mais elle sent que son estomac lui réclame à manger.
Mais où trouver de quoi se nourrir dans ce néant ?
Il n’y a que des roses autour d’elle.
Elle aimerait être dans un jardin d’Eden où elle pourrait simplement tendre le bras et cueillir une pomme.
Au lieu de cela, elle se voit cueillir une rose.
Au milieu de toutes les autres, dans ces gros pots au rouge écarlate, les roses font peur à Alice. Elle les trouve même laides.
Mais seule, dans sa main, sans eau pour la faire grandir, Alice trouve cette rose douce et fragile. Et d’un seul coup, elle ne veut plus en manger.
Elle s’apprête à la remettre avec ses sœurs, mais se résigne.
Elle a envie d’essayer.
La rose est la plus belle de toute. Elle n’est plus aussi rouge qu’elle en avait l’air. Elle n’est plus comme les autres. Elle est unique. Ses pétales sont rouges, roses et blanches. Sa tige est bien verte. Alice peut même voir quelques gouttes de rosée glisser doucement sur un pétale.
Elle arrache le pétale qu’elle trouve le plus beau. Et elle entend comme un cri de cristal.
Le son est à la fois magnifique et dérangeant. Mais il ne dure qu’une seconde.
Le pétale est lisse au toucher et Alice laisse ses doigts se perdre au milieu des caresses.
Elle met ensuite délicatement le pétale dans sa bouche et le laisse fondre sous sa langue.
Au début, ça a le goût de sucre. Légèrement.
Et puis Alice ne sent plus rien.
Elle en prend alors un autre et le même effet se produit. Un cri de cristal et un léger goût de sucre.
Alice continue encore et encore.
Elle cueille des roses dans chacun des pots.
Elle les choisit au début.
Et puis elle les prend toutes, arrache les pétales ensemble et les met dans sa bouche sans ne plus se soucier de ce cri de cristal qui se produit à chaque fois qu’elle arrache les pétales.
Elle a faim.
Elle mange sans cesse mais elle a encore faim.
Les roses sont trop légères.
Elles ne peuvent satisfaire le manque d’Alice.
Elle finit par s’en rendre compte. Et d’un coup, elle a peur de ce qu’elle est en train de devenir. Elle vient de manger des roses à n’en plus finir, et maintenant, elle se sent coupable et sale.
Le sol du salon est souillé de tiges vertes auxquelles manquent les pétales rouges.
Les pots sont toujours là, aussi rouges et laids, aussi imposants et aussi effrayants. Effrayant car il y a un cimetière de roses par terre mais pas un seul pot n’a l’air d’en manquer.
Alice voit au loin un par terre d’herbe.
Elle y court et tombe dessus, prête à faire couler toutes les larmes de son corps.
Mais les yeux très bleus d’Alice restent secs.
Elle se tient assise, le regard dans le vide, les bras autour des genoux, en attendant.
Mais qu’attend elle ?
Elle ne sait pas.
Elle ne sait pas où elle va. Elle ne sait même pas ce qu’elle veut.
Elle voit bien un peu de lumière sous une porte ou deux, là-bas, de l’autre côté du salon si grand. Mais elle ne sait pas si elle doit les pousser pour voir ce qu’il se trouve derrière. Elle est perdue entre les roses.
Elle ne veut plus réfléchir.
Elle se sent fatiguée et elle a peur.
Elle est dans une grande pièce inconnue qui lui semble si familière, le ciel noir au-dessus de sa tête continue de gronder sans faire aucun bruit, les vases géants lui donne l’impression d’être dans un cauchemar étrange.
Elle veut sortir de là.
Elle ferme alors les yeux et se laisse envahir par une voix d’ange qui lui chante :
« Pour ne pas vivre seul, on fait des cathédrales, où tous ceux qui sont seuls, s’accrochent à une étoile, pour ne pas vivre seule, je t’aime et je t’attends, pour avoir l’illusion »
Alice se laisse bercer par cette douce mélodie pendant une seconde d’éternité.
Elle s’est allongée dans l’herbe et rêve qu’elle est dans un grand jardin, au milieu de fleurs blanches et de rires d’enfants.
Elle ouvre alors les yeux et voit au-dessus d’elle doucement l’aube apparaître.
Elle esquisse un léger sourire et hésite un temps à se redresser et partir.
Peut-être que dans son cauchemar elle rêvait ? Et de ce rêve-là, elle ne voudrait pas se réveiller.
Mais elle peut voir le soleil éclairer timidement le ciel rose orangé et comprend alors que c’est réel.
Elle se lève et se rend compte que dans ce grand salon au marbre blanc, il n’y a plus aucun vase géant.
Il n’y a plus de tiges vertes par terre.
Il n’y a plus de portes.
Il n’y a plus de roses rouges au goût de sucre.
Il y a simplement un jardin.
Et elle aperçoit un homme, appuyé contre le tronc d’un arbre, un bouquet de roses blanches à la main.