Lutetia, Pierre Assouline
Comme je l'ai dit dans l'article précédent, j'ai beaucoup, beaucoup de choses à dire sur ce livre.
A commencer par le fait que je me suis rendue compte récemment, que tous les livres ne peuvent pas être apprécié de la même manière selon notre humeur, nos états d'âme, notre âge bien sûr...
Et si j'ai choisi d'acheter ce livre dont je n'ai jamais entendu parler, d'un auteur que je n'ai jamais lu et que je n'ai encore jamais vu critiqué sur les blogs, c'est simplement pour son titre : "Lutetia".
J'ai vu ça sur les rayons de la librairie, je l'ai retourné et j'ai lu en 4ème de couverture que ça parlait de la 2ème guerre mondiale.
Je suis très sensible à ce qui s'est passé pendant cette guerre et je lis beaucoup de choses en rapport avec ça. Pourquoi ? Peut-être parce que mes grands-parents l'ont vécu, peut-être parce que c'est une atrocité indescriptible, peut-être parce que dans le temps c'est la plus proche de nous... Je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais l'alliance : hôtel et 2ème guerre mondiale ne m'a pas laissé de marbre.
Je travaille dans un hôtel 4*. Ce n'est pas un palace, mais c'est de l'hôtellerie. Et je suis forcément sensible à tout écrit qui pourrait y toucher.
De plus, grâce à la soirée du personnel de l'hôtel où je travaille, j'ai gagné une nuit au Lutetia. Et je m'étais dit que je lirai ce livre après y être allée, pour pouvoir mieux me situer, mieux m'imaginer les lieux. Pour pouvoir vivre vraiment ce que j'étais en train de lire.
Finalement, j'aurai peut-être juste un regard différent le jour où j'irai dormir là-bas.
D'ailleurs, je croyais que le Lutetia n'avait été que le QG des nazis durant la guerre. Et en passant devant l'hôtel il y a une semaine (avant d'avoir commencé le livre) j'ai vu une plaque qui disait que c'était là que les déportés avaient été recuillis..
En lisant le livre, j'ai appris qu'en réalité, l'hôtel a été réquisitionné par l'Abwher, et ensuite, choisi, parmi d'autres, pour accueillir les déportés.
Ce livre est composé de trois parties : l'avant-guerre, pendant la guerre, et après la guerre. C'est le responsable de la sécurité de l'hôtel (c'est comme ça qu'on l'appellerait aujourd'hui), Edouard Kiefer, Alsacien de sa mère, qui nous raconte l'histoire.
Le fait qu'il soit alsacien et parle couramment allemand apporte beaucoup de choses, effectivement. Le fait qu'il connaisse tous les coins et les recoins de l'hôtel, tout sur les clients et sur les employés aussi.
Mais ce n'est pas ça qui fait le roman. Un roman qui mélange fiction et réalité. Réalité qui va parfois jusqu'aux paroles prononcées par certaines personnes.
J'avoue que si j'ai su quelle était la part de réalité, je n'ai pas toujours su savoir quelle était la part de fiction. J'ai l'impression que Edouard Kiefer a vraiment existé, et qu'il a réllement vu et touché et vécu tout cela.
Ce qui est quand même fort, je trouve, de la part de Pierre Assouline. (si ce Kiefer n'a pas existé, ce que je ne peux affirmer avec certitude!)
J'ai adoré la première partie. Première partie qui peint la vie du palace (aujourd'hui, le Lutetia n'est plus considéré comme un palace, seulement un hôtel 4*), avec ses personnalités et ses clients tout simplement un peu éberlués. On y croise James Joyce, De Gaulle, des peintres, des comtes, des contesses... Kiefer nous peint avec beaucoup de détails, d'attention et de minutions chacun de ses personnages, chaque service de l'hôtel, chaque relation avec l'employé. Tout ça au milieu du boulevard Raspail, face au square Boucicaut, et du Bon Marché, avec une vue imprenable de Paris depuis la terrasse.
J'ai adoré parce que c'est un peu ce que je vis (mais seulement un peu car je ne travaille pas dans un palace et que même si on y croise parfois du beau monde, je travaille la nuit, et la vie d'un palace en 1940 est très différente d'un 4* en 2007...)
J'ai adoré parce que je vois la facade du Lutetia, et le sqaure Boucicaut avec la statut de la famille, et le Bon Marché en face... J'y étais encore la semaine dernière ;-)
De plus, il nous parle de M. Harrault, le chef concierge du Lutetia. Et j'ai été étonnée sachant que son fils, chef concierge du grand hôtel il y a quelques années, est venu faire une conférence sur son métier dans l'école hôtelière où j'effectuais mes études. De plus, mon père quand il était jeune, a travaillé avec M. Harrault père... C'est une drôle de sensation de trouver dans une fiction un peu de son vécu...
Pourtant, j'ai trouvé l'écriture trop maniérée. Trop belle en fait, dans le premier sens du terme. On ne sent pas que c'est un "ancien flic" qui nous parle, mais bel et bien un écrivain qui veut faire de tout et de tout le monde un poème. C'est beau, certes, mais c'est trop. Beaucoup trop.
Cependant, ce style s'efface dans les deux dernière partie.
Et l'intérêt que j'en ai senti avec. Je l'ai lu non sans déplaisir mais je n'ai pas eu le sentiment de lire la seconde guerre mondiale. C'est sûr, le Lutetia, c'est une autre facette de cette guerre, que nous connaissons très peu. Mais je n'ai rien senti, rien vraiment vécu à la lecture des mots de la deuxième partie.
Disons que je n'ai pas senti de haine dans la deuxième partie, ce à quoi on aurait pu s'attendre.
Quand à la dernière partie, celle où on vit au jour le jour avec toutes ces familles venu attendre avec espoir ou desespoir les siens, où on cotoie des déportés de 38 kilos, rasés, en pyjamas rayés... je l'ai trouvé à un niveau légèrement plus au-dessus que la deuxième partie.
Et j'ai senti beaucoup d'humanisme dans cette dernière partie, mais peut-être pas autant que je l'aurai souhaité.
Le roman n'est pas mince et pourtant, j'ai souvent eu l'impression que tout était survolé. Sauf dans la première partie : la simple description d'une vie de palace, sous un oeil différent. Ca, pour moi, c'était magique.
je ne suis pas sûre d'avoir dit tout ce que j'avais à dire, tellement de choses me sont passées par la tête et par le coeur à la lecture de ce livre !
J'ai un sentiment très mitigé, je ne sais pas si j'ai aimé ou si je n'ai pas aimé. J'ai le sentiment que je ne le conseillerai pas spécialement, mais si quelqu'un me demande si c'est bien, je réponderais que oui.
C'est une sensation un peu dérangeante. Et c'est un peu l'effet que m'a procuré ce roman.
Je ne connais rien d'autres de cet auteur. Je sais qu'il a un blog sur lemonde.fr, que j'ai survolé une fois, où j'ai lu un article qui parle des critiques de livres sur les blogs, et du métier de critique littéraire qui pourrait (ou non) disparaître grâce à tous ces blogs ;-)
Si ça vous intéresse, voici l'adresse du blog : passouline.blog.lemonde.fr